Non, pitié. Ne me dites pas que ces trois jours de dur travail dans l'obscurité de la salle des retenues venaient de finir en échec. Malédiction. Il fallait de toutes façons qu'il se rende à l'évidence : c'était terminé. Il était fatigué, remonté et désespéré. Les nuits blanches qu'il avait accumulées pour venir à bout de sa potion avaient été sacrifiées sur l'autel de la connerie : et ce, à cause d'un personne. Oui, car le pire, c'est que ce n'était pas de la faute de Jae Hyun si cela venait d'échouer. C'était celle de Soo Jin. La soeur de son meilleur pote, cette petite peste. Comme une fleur, elle s'était incrustée durant la préparation, comme une voleuse aussi d'ailleurs, pour finalement le surprendre en hurlant. Pour qui se prenait-elle ? Et pourquoi se permettait-elle de douter des capacités du brun ? Si il était doué dans un domaine, c'était bien dans celui des potions. Alors le risque d'explosions était quasi nul. Mais pour le faire chier, bien sûr, elle s'était sentie obligée de le faire sursauter. La fiole s'était écrasée au sol en un bruit aiguë symbolisant l'échec cuisant de l'ineo. Jinnie, jinnie, jinnie. Qu'est-ce que tu as fait bordel ? Sais-tu seulement combien d'heures... "bravo, bravo. Tu viens de détruire exactement 65 heures de travail épuisant", dit-il d'une voix inamicale en posant ses mains sur la table utilisée pour ses récurrentes expériences avant de soupirer ; elle fit un "o" qui manqua de faire sourire le brun. Celui-ce se fit violence, se voulant dur et persuasif : il ne devait pas craquer devant la petite bouille de sa jinnie. Elle était trop mignonne et elle en abusait, c'était certain. Mais comment voulez-vous résister ? Elle venait de sortir une excuse, maladroite mais plaisante. Blesser son beau visage ? Qu'elle n'ait crainte, il n'aurait jamais pris le risque d'endommager son sex appeal. Celui-ci était beaucoup trop important pour sa personne. Et puis, Jae Hyun ne se lancerait pas dans des choses aussi dangereuses que la création de potions si il n'avait pas les compétences pour assurer sa propre sécurité. Comme elle devait le savoir, il excellait dans le domaine. Comme un peu partout d'ailleurs : la plupart des gens à soucis physiques venaient le voir pour des antidotes. C'est simple, il était carrément une référence. Sans quitter la demoiselle des yeux, le brun s'humecta les lèvres : qu'allait-il faire maintenant que ses efforts étaient ruinés ? Soo Jin se coupa, comme une débutante, avec un morceau de verre. C'est à dire que pour ne pas être douée, elle ne l'était pas du tout. C'était fou d'être aussi maladroit quand même. Et puis, elle aurait pu lancer un sort pour se débarrasser du bordel qu'elle venait de mettre. Quelle maligne ; si seulement elle savait ce qu'elle venait de faire. Jetant un rapide sort de ménage à la table, il se posa finalement dessus, ses bras croisés sur son torse avant de dire "j'ai envie de te tuer sans plus attendre, mais je respecte beaucoup trop ton frère pour ça. Alors je te conseille de prendre tes jambes à ton cou. Je te laisse de l'avance, c'est déjà beaucoup trop généreux. Je compte jusqu'à dix" ; le coréen releva un regard sombre débordant de dureté vers la jeune fille. Bien qu'il paraisse à bout de nerfs (ce qui était vrai), il ne ferait rien contre elle. Il était beaucoup trop attaché à cette demoiselle. C'était bas de le rendre aussi faible face à cette personne précise ; quel dieu foutait la merde ? Lui qui se plaisait à paraître si froid et si insensible ne pouvait se retenir d'être touché par les réactions et les mots de cette étudiante. Quelle chance, hein. Décidément, elle ruinait ses efforts physiques en mentaux. Disons qu'elle ne faisait simplement pas les choses à moitié.

"T'es vraiment pas douée. Les sorts existent tu le sais ça ?", souffla t-il avant d'ajouter "en te coupant, tu as laissé pénétrer ma potion d'attachement dans ton corps. Autrement dit, dans moins de deux minutes tu ne pourras plus te détacher de moi jusqu'à ce que je fasse un antidote" ; levant les yeux au ciel en soupirant, le brun pria pour qu'elle ne le dérange pas une seconde fois dans sa préparation à venir... "bien sûr, faudra que tu évites d'hurler. Sinon on va rester collés à vie" ; histoire qu'elle ne lui dise pas que pour elle c'était plaisant, il s'empressa de la regarder l'air de dire n'y pense même pas. Bien entendu, passer du temps supplémentaire avec elle n'était pas quelque chose qui allait le souler mais il préférait mettre les pendules à l'heure tout de suite : pas moyen qu'elle fasse rater son opération une nouvelle fois. C'était assez éprouvant pour ça et il avait besoin de sommeil. Et autant dire tout de suite que si tout échouait une nouvelle fois il serait obligé de l'emmener dans son dortoir puisqu'ils ne pourraient plus se séparer et que lui serait à la limite de tomber dans les pommes à cause de la fatigue accumulée. Espérons qu'elle soit compréhensive.

"63 heures ?" souffla le brun, comme sidéré, avant d'ajouter "c'est toi qui es nulle, le seul nombre que j'ai donné est 65" ; il était amusé. Intérieurement. Ce qu'elle pouvait être à côté de la plaque quand elle s'y mettait. Dès qu'elle désirait remettre quelqu'un à sa place, il fallait toujours qu'elle se trompe quelque part : je crois qu'on appelle ça de la maladresse. Ou un manque d'écoute. Allez donc savoir. Un avocat n'avance pas des choses contre une personne sans avoir une bonne connaissance du dossier, si ? Jinnie fonctionnait à l'envers. Cela avait toujours été le cas. Et c'est ça, justement, qui la rendait si touchante. Elle montait sur ses grands chevaux, le glaive à la main, prête à attaquer un monstre mystique pour finalement se rendre compte que la seule chose qu'elle tenait était un bâton. Oui, c'était un peu ça l'image que le brun avait d'elle. Plutôt héroïque. Mais surtout ridicule. Haussant un sourcil, il garda ses bras croisés sur son torse, toujours adossé contre la table qu'il venait de nettoyer d'un rapide sort. "Je suis pas nul. Cette potion demande deux mois de préparation en temps normal, qu'est-ce que tu crois" ; croyait-elle vraiment qu'il était le dernier de sa classe de potions ? Loin de là. Il était le premier. Mais ça, inutile de le répéter il savait très bien qu'elle le savait mais qu'elle voulait le titiller. Susceptible, cela n'était pas vraiment drôle pour lui. C'est donc ce pourquoi il se permettait de répondre à chaque fois que la demoiselle ouvrait la bouche pour dire des sottises. La vérité devait être étalée au grand jour ! Jae Hyun était un dieu des mélanges et des manipulations dangereuses. Vint la menace. Jinnie ne sembla pas impressionnée le moins du monde : il s'attendait à cette réaction ; elle le connaissait trop bien pour le prendre au sérieux : il ne pourrait jamais lui faire du mal. Du moins, pas physiquement. Alors elle en profitait, faisant mine d'attendre la punition divine du brun. Qu'est-ce qu'elle pouvait être jolie... mais frustrante. Lui-même savait à l'avance qu'il n'allait rien lui faire et cette peste en profitait pour le titiller toujours plus. L'envie qu'elle dégage allait vite lui passer ? Qu'insinuait-elle exactement ? Fronçant les sourcils, le coréen vira son regard ailleurs (sur une table plus loin) : que, qui, quoi ? Voulait-elle parler du fait qu'il l'aimait bien ? Comment le savait-elle ? Ah, quel con. Cela tombait sous le sens. Les étés chez la famille Ahn... il se montrait toujours poli, prévenant et amical. Les deux derniers points étaient surtout réservés à jinnie et à son frère. Et là, sans raison particulière, elle lui toucha le visage pour lui faire faire ce qui ressemblait à une grimace : cette fille était intenable. Pourtant elle savait très bien qu'il détestait les contacts, non ? Elle pensait donc que, parce que elle l'aimait bien elle était sauvée ? Ah, ah. Elle avait raison. Relâchant sa posture de coincé, il se demanda ce qui la poussait à avoir tant d'audace tout en plongeant ses mains dans ses poches... "qu'est-ce qui te fait dire ça ? Si ça se trouve je suis instable mentalement et je risque de te faire du mal sous la colère. Il ne faut jamais rien considérer comme acquis" ; bien sûr cela était faux. Il était peut-être instable mentalement mais pas au point de toucher à la cadette de Yeonnie. Quoi que, si il était fou à certains moments de sa vie, il n'aurait pas forcément conscience de ses actes. Allons, passons, la probabilité qu'il soit atteint était vraiment trop faible. Il finit donc par s'asseoir, véritablement blasé. La jeune fille ne tarda pas à le rejoindre et il décida de passer à autre chose en abordant le sujet de la potion. Allait-elle au moins comprendre le sens de ses phrases ? Il n'en était pas certain. Elle serait sans doute lente à la détente. Il tenta donc de lui expliquer ce qu'il avait mijoté et les conséquences qui résulteraient de l'acte irréfléchi de la demoiselle (bah quoi, on ne ramasse pas des bouts de verre avec les mains, voyons) ; après les explications, la demoiselle le fixa, apparemment perplexe. Quoi ? N'avait-il pas l'air assez sérieux pour être cru ? Haussant un sourcil, il écouta ce qu'elle avait à dire. Ce qui était bête, c'est que, au moment où elle était arrivée, il s'occupait des formalités: autrement dit, il était juste en train de régler la durée d'action de la potion. Cela n'allait en rien l'empêcher de marcher. C'est ce qui le fit soupirer d'amusement. Mais il n'ajouta rien pour le moment, observant la jeune fille quitter la table. Elle ne le croyait pas. Quel dommage. Ou bien faisait-elle une expérience ? Histoire de voir si il mentait, ou non. Jae Hyun ne la lâcha pas du regard, impatient : vas-y, marche, tu n'iras pas bien loin de toutes façons. Et il avait raison. Soo Jin ne tarda pas à être retenue par quelque chose d'invisible (et elle gonfla ses joues ; elle avait toujours de drôles de réactions cette petite) ; en parlant de drôles de réactions, en voilà une pas mal : elle lui lançait, en gros, que le fait d'être collé à une fille ne pourrait que lui faire plaisir à cause des avantages. Qu'on le laisse rire. Mais une fois encore, il s'abstint de commentaire (peut-être était-ce le geste moqueur de jinnie qui l'en empêcha) ; il allait parler, ne vous inquiétez pas : il attendait juste que mademoiselle Ahn finisse son cinéma. Mais, de toute évidence, en quoi pourrait-ce être plaisant d'être lié à une fille ? Et si il elle était moche ou pudique ? La poisse. L'écoutant parler encore un peu, il finit par soupirer : cela paraissait bien simple aux yeux de son interlocutrice. Pour elle, il n'y avait apparemment pas de problème majeur : et Yeonnie, c'est quoi ? Pas certain que si il apprenait que son meilleur pote était scotché à sa petite soeur il soit ravi... "Pour commencer, je réglais juste la durée d'action de la potion. Mais comme tu m'as... miraculeusement interrompu, je n'ai pas pu avoir de résultat. Autrement dit, l'attachement peut durer 3 heures comme 3 ans. Sauf si je fais l'antidote. Mais pour que cela se déroule correctement, il faudrait que tu arrêtes de faire l'idiote. Ah et, non, je ne vois aucun avantage à être collé à une fille chiante ou moche toute la journée."; à peine termina t-il de parler qu'il se sentit tirer en avant. N'ayant pas le temps de réagir assez rapidement, il écrasa un des pieds de la jeune fille. Et... jolie claque. Jae Hyun fit des yeux ronds sous la surprise tout en lui chopant la main : quoi ? Elle venait de lever la main sur lui ? Secouant doucement la tête, comme si il se disait intérieurement qu'il avait rêvé, il lança "J'espère que tu ne viens pas de me foutre une claque parce que tu as décidé de bouger ?" ; parce que là, elle était gonflée. Elle bougeait, elle le tirait, et elle le frappait parce qu'il n'avait pas eu le temps de réagir. Comme si c'était la faute du sang-pur si elle était aussi speed.

Si il oserait lever la main sur elle ? En étant conscient, jamais de la vie. Plutôt mourir que de la blesser même superficiellement. Mine de rien, il y tenait assez à cette gamine pour vouloir crever sur une place publique plutôt que de la voir ne serait-ce que se tenir la joue de douleur. Et ça, il ne le ferait pas pour tout le monde autant le préciser tout de suite. Passant une main dans ses propres cheveux, perplexe, il se demanda qui la violentait : elle ne lui en avait jamais parlé. Était-elle au moins sérieuse ? Si on se fiait à son ton, oui. Qu'elle lui dise le nom de ce connard, il irait le défigurer tout de suite : c'était quoi ce délire sérieux ? Qui pouvait tabasser une jeune fille aussi adorable ? Certes, elle était du genre à taper sur le système mais tout de même : pas au point de la frapper comme un vulgaire animal. Pourquoi ne se défendait-elle pas à l'aide de sa baguette ? Si elle n'avait pas la force physique pour lui mettre un coup de pression elle avait au moins son expérience en tant que sorcière, non ? Et puis, il n'avait pas le souvenir de sa jinnie avec des bleus sur le corps ou sur le visage. Mains dans les poches, il s'humecta les lèvres : c'était quoi ça encore ? Devait-il la croire ou se foutait-elle de lui pour pas changer ? Respirant plus fortement, en signe d'agacement, il se décolla de la table pour la suivre contre son gré : ne l'ayant pas prévenu, le pied de la jeune fille fut victime d'un écrasement. Mais attention : bien qu'elle soit la seule coupable, c'était Jae Hyun qui avait eu le droit à la claque. C'est d'ailleurs avec incompréhension qu'il lui avait attrapé le poignet pour lui faire comprendre, clairement, qu'elle devait avoir une bonne raison d'avoir fait ça (elle qui disait qu'elle avait épargné son joli visage en cassant ses 65 heures de travail venait à l'instant de briser une nouvelle chose : sa raison. Ce qui bien sûr, avait le don d'irriter un peu plus le brun) ; alors comme ça, cette baffe n'avait de lien qu'avec le fait qu'il avait dit que rester collé à une fille chiante et moche n'était pas cool. Et alors, qui allait le contredire ? Devoir passer tout son temps en compagnie d'un thon sans cervelle ne plaisait à personne. Déjà que quand une fille était belle mais dépourvue de neurones c'était horrible... mais alors là c'était la fin du monde. Une malédiction. D'autant plus si elle le faisait chier avec des comportements excessifs en émotions. Mais, bien entendu, l'ineo n'avait pas voulu viser directement sa jeune amie : il essayait juste de défendre son point de vue ; pour lui, clairement, être lié à une fille de ce genre était pareil au suicide. Mais Soo Jin ne faisait pas partie de ce genre-là. Non, elle, elle était douce, attachante et mignonne comme un coeur. Mais, comme tout le monde, elle avait ses défauts : mais pas n'importe lesquels. Ceux qu'on dit détester mais qu'on adore : elle lui tapait sur les nerfs. Mais cela, en réalité, le divertissait grandement et ne lui permettait que de se rapprocher un peu plus de la soeur de son meilleur pote. Et, il faut dire qu'elle était la seule amie qu'il avait. Même si, ça, il ne lui dirait peut-être jamais. Alors qu'il la regardait, légèrement surprit, la demoiselle tenta de dégager son bras en donnant un coup dans le vide. Et elle y arriva.

C'était la première fois qu'il la voyait comme ça, aussi vexée. Avait-elle vraiment cru que sa remarque était pour elle ? Quelle idiote. Et puis, pourquoi accordait-elle une telle importance à l'opinion de Jae Hyun, hein ? Cela, ça avait toujours été une très mauvaise idée. Alors qu'elle était de dos, boudant, le brun soupira : qu'est-ce qu'elle nous faisait là ? Sa crise d'adolescence ? Plongeant de nouveau ses mains au fond de ses poches, il baissa son regard : bon, que dire ? S'excuser ? Non, jamais de la vie. Il avait dit ce qu'il pensait, ce n'était pas de sa faute si elle avait tout compris de travers. Après tout, elle n'était pas le centre du monde, alors il était clairement inutile qu'elle pense qu'il parlait à chaque fois d'elle lorsqu'il ouvrait la bouche. Mais ça, bien qu'il le pense, il ne le dirait pas. Elle était déjà suffisamment irritable en ce moment qu'il valait mieux éviter d'en rajouter une couche par fierté. Au contraire, même. Bien qu'il sache qu'elle faisait son cinéma, il se sentait triste pour elle ; nul doute que lui aussi n'aurait pas aimé qu'on le traite de mec moche et chiant (même si, encore une fois, il ne l'avait pas visée) ; alors, bon, il pouvait comprendre sa susceptibilité d'autant plus que lui aussi en avait une très profonde. Mais, ce qui le poussait encore plus à ne pas vouloir remuer le couteau dans la plaie n'était autre que le fait qu'elle avait dit être violentée. Pour tout avouer, ce point-là lui trottait dans la tête. Quel connard oserait faire ça ? C'était incroyable. Et puis, Yeonnie aurait déjà démonté ce lâche depuis longtemps : or, il ne s'était rien passé. Ou alors son meilleur pote ne lui avait rien dit, ce qui était pratiquement impossible surtout qu'il connaissait l'attachement du jeune Kang à l'égard de sa cadette. Jinnie, paraissant pressée de le quitter si on en croyait sa dernière réplique, le toucha un peu plus. Merde, quel con. Il n'était vraiment pas doué des fois. Dans le genre "je mets les pieds dans le plat, puis je saute", il était le meilleur. S'humectant les lèvres en passant une main dans ses propres cheveux, il lança "Jinnie, je te visais pas" ; il se sentait obligé de le souligner. Croire qu'elle pensait que c'était pour elle le gênait : c'était faux et il ne voulait pas passer pour un con de première devant elle. Soufflant, il ajouta "Je vais faire de mon mieux pour concocter ça au plus vite, promis. Mais, d'abord, j'aimerais que tu me dises qui est l'inconscient qui ose lever la main sur toi. Si tu changes de sujet, je reposerais la question" ; pour être clair, ça l'était. Ponctuant sa phrase d'un faux sourire, il se retourna vers la table tantôt utilisée pour y faire apparaître différentes fioles. C'est parti.

Jae Hyun, alors qu'il tentait de faire la potion, n'avait que des pensées négatives. C'était quoi ce comportement ? Jinnie déconnait, mais alors gravement. Elle savait pertinemment que le brun aimait la franchise, non ? De ce fait, il ne pouvait pas accepter qu'on lui cache des choses. Encore moins quand cela avait un lien avec ses proches : ne lui faisait-on pas assez confiance ? Pourtant il était sans doute plus loyal que 90% de la population mondiale. "être amis", pour lui, signifiait énormément de choses : notamment qu'il se devait de toujours être là pour l'autre, de le soutenir, de le défendre voire même de se battre pour le protéger. Le simple fait d'être désigné comme un ami donnait au sang-pur l'envie de soulever des montagnes : il n'avait pas, une seule fois dans sa vie, fait une liste de tous les efforts qu'il avait fait jusque là pour ses potes. Parce que c'était normal de les faire pour des gens qu'on aime. Il était même évident que si demain quelqu'un à qui il tenait venait le voir en traînant un cadavre, il l'aiderait à l'enterrer. Sans même lui demander de lui rendre des comptes. Soupirant en versant un liquide bleu foncé dans un fiole déjà prise par un mélange verdâtre, il se dit qu'elle le connaissait mal, finalement. Elle n'aurait jamais dû faire la bêtise de lui dire qu'elle était suffisamment violentée. Cela avait réveillé le besoin de protection qu'il avait envers elle : personne n'avait le droit de la toucher. Et même si il devait être une "future victime", il s'en balançait complètement. Sa vie n'avait que peu d'importance face à celle de jinnie. Et puis, les femmes d'abord. Pourquoi cherchait-elle à le protéger en lui sortant ça ? Si elle avait voulu le faire elle n'aurait jamais dû ouvrir la bouche. Et, de toutes façons, elle pouvait dire ce qu'elle voulait il comptait bien faire des recherches très prochainement : il interrogerait tout le monde si il le fallait, jusqu'à tomber sur quelqu'un qui n'aurait aucune crédibilité ou aurait une faille. Le brun était suffisamment intelligent pour y arriver, il le savait. Alors maintenant, c'était trop tard. Qu'elle balance la vérité, ça évitera une perte de temps inutile. Jae Hyun restait étonnement silencieux face à cette provocation nouvelle, continuant de travailler : croyait-elle vraiment qu'il la laisserait se faire marcher sur les pieds alors qu'il avait la possibilité de l'aider ? Se battre n'était pas un problème : certes, l'ineo aimait pas en venir en mains mais il aimait encore moins qu'on touche à la soeur de son meilleur ami. Alors que la jeune ahn s'installait sur la table, balançant ses jambes dans le vide, sortant une nouvelle connerie, l'asiatique se mordit la lèvre : qu'est-ce qu'elle foutait, elle était sérieuse ? Lui, rester passif ? Jamais de la vie. Il n'était peut-être pas sensible aux provocations en général, mais avec elle il n'avait pas le choix : son avis était tellement important pour lui qu'il était facilement touché. Là, il ne s'agissait pas de se faire passer pour un dur en se rebellant, non. Ni même de jouer le mec compréhensible et se tenir à l'écart des problèmes de madame pour lui faire plaisir. Son frère n'était pas au courant et ça ne le gênait pas ? Sans blague. Comment ça pouvait le gêner si il n'était au courant de rien ? Mais là, Jae Hyun savait bien qu'elle endurait des choses difficiles. Alors comment faire comme si il ne savait rien sur le sujet ? Mais... "Putain, tu me fais vraiment chier. Qu'est-ce que tu crois, bordel ! Que je vais te laisser comme ça ? Tu me prends pour qui ?", le brun se retourna, donnant un coup de pied traduisant sa rage dans une chaise, avant de s'élancer vers une autre pour tenter de se calmer. Après quelques débordements supplémentaires, il finit par rigoler avec une ironie profonde, s'appuyant contre un mur en passant une main sur son visage : "Je crois que tu me prends vraiment trop pour un con, Jinnie", lança t-il, le poing toujours serré sous l'énervement. Il était rare qu'il se laisse emporter comme ça, mais là c'était trop : elle le rabaissait sans s'en rendre compte et essayait de l'empêcher de l'aider. Et puis quoi encore ? Pensait-elle vraiment que... "Tu t'imagines que je suis insensible, que je préfère rester à l'écart à faire mes petites potions alors que je sais qu'un enculé te tape dessus ? Ou je sais pas quoi, d'ailleurs... t'es tellement floue que ça me fait péter des câbles"; déglutissant silencieusement en se laissant glisser contre le mur, il ajouta "Tu devrais savoir que rien que l'idée qu'on te fasse du mal ça me donne envie de tuer des gens. Je sais pas qui il est, mais je vais le trouver. Quoi que tu dises" ; de toutes façons, en ce moment elle ne savait dire que des conneries alors mieux ne valait pas l'écouter.

Kang Tae Hwan. Qui c'était celui-là ? Fronçant les sourcils, posé par terre, le brun serra un peu plus son poing droit alors qu'il continuait de se frotter le front avec sa main gauche. Un ineo, ça il le savait : seul souci, sa tête ne lui revenait pas. Il était clair qu'il avait déjà entendu parler de lui. Mais par qui, quand et pourquoi ? Ce mec qui la harcelait, qui la traitait comme une sous-merde... il avait un sérieux problème dans sa tête. Comment pouvait-il la rabaisser ? Ou plutôt, comment pouvait-il réussir à le faire ? N'avait-il jamais de regrets ou de pitié ? C'était impossible. Pour le côté humain et pour autre chose : même les plus cruels des ineo ne s'en prenaient pas à la soeur d'un des membres de la maison : du moins, pas si on était naïf comme le sang-pur sur ce point-là et que l'on pensait comme lui. Seulement, voilà, il fallait ouvrir les yeux : des enfoirés, il y en a partout. Même chez les siens. De toute évidence, bien qu'il ne connaissait pas Tae Hwan, si Jae avait su qu'il appartenait à sa main et si la situation avait été différente, nul doute qu'il l'aurait défendu. La loyauté, c'est comme ça ; encore plus quand on appartient à un groupe. Mais là, ineo ou pas ineo, ce mec allait payer. D'une manière ou d'une autre. Toujours dans son coin, écoutant attentivement ce que disait la demoiselle, il remarqua que sa voix était tremblante et faible : pleurait-elle ? Fronçant les sourcils, perplexe, il vira son regard vers jinnie. Elle était dos à lui, toujours sur la table. Impossible de voir une larme. Mais pas besoin de voir pour savoir. Il était évident que ce sujet était sensible et que son bourreau ne lui faisait pas seulement du mal quand il était dans les parages. Inspirant un grand coup, à la fois blasé et blessé, il s'appuya contre le mur pour se redresser. Certes, il n'avait pas apprécié qu'elle le prenne pour un imbécile en lui faisant plus ou moins comprendre qu'elle ne pouvait lui confier un secret qui lui tenait très à coeur pour des raisons complètement saugrenues. Mais aussi parce qu'elle voulait souffrir, volontairement, en refusant de lui dire qui était le coupable. Et, pour finir, elle lui avait parlé avec une certaine dose d'indifférence liée au fait qu'elle était vexée ou qu'elle doutait de lui, peu importe, ce qui avait foutu Jae dans un état d'énervement total. L'accumulation.

Et là, le voilà qui était debout comme un con ; se demandant ce qu'il pourrait bien dire voire faire. C'est vrai ça : maintenant qu'il savait qui la faisait souffrir, que pouvait-il faire ? Si ce n'était la rassurer elle, le trouver lui et lui expliquer le problème. Cela serait un bon début. Pas forcément efficace mais diplomatique. Soupirant, il se passa une main dans les cheveux : bon, maintenant qu'il avait gagné le gros lot et qu'elle pleurait, qu'allait-il faire ? Elle avait de toute évidence besoin de réconfort. Il s'avança donc vers elle, lentement, appréhendant un peu : il n'aurait pas dû se comporter aussi violemment, il avait dû lui faire peur. Mais bon, il n'avait pas pu se retenir : à force d'être patient il devenait dingue. Près d'elle, les dernières paroles de son interlocutrice résonnant dans sa tête, il hésita à la prendre dans ses bras : ce que lui avait dit n'était pas sincèrement méchant. Lui aussi aimait la taquiner. Il est vrai qu'en s'étant énervé il lui avait fait comprendre qu'elle était une idiote et qu'elle le prenait pour un con. Mais n'était-ce pas vrai ? Qu'elle veuille le défendre ou non elle n'avait pas à lui mentir. Par respect. Pourquoi perdait-elle son temps chez les muneo ? Que voulait-elle dire par là ? Les membres de cette maison étaient des intellects au niveau des études. Pas socialement pour la plupart. Soupirant une nouvelle fois, avec une pincée de regrets, l'asiatique prit le visage humide de la demoiselle entre ses mains, l'obligeant à le regarder : "Jinnie, quand je dis que je tiens à toi plus qu'à ma propre vie, je rigole pas. Savoir que tu souffres dans ton coin, ça me tue", s'humectant les lèvres, son coeur battant à une vitesse trop élevée, il reprit "Tu es une jeune fille intelligente, mais tu as encore tellement à apprendre. Je te reproche juste de pas compter sur moi. De pas me dire ce qui va pas ; ça me rend fou" ; soufflant un bon coup en la regardant toujours droit dans les yeux, il sentit, cette fois-ci, que son coeur se resserrait. Il ajouta donc, pinçant légèrement les lèvres "Tu as ta place chez les muneo car tu es quelqu'un de bien. Et quelques soient tes excuses pour n'avoir pas voulu me dire le nom de ce gars, elles n'étaient pas valables " ; ne sachant plus tellement quoi dire et se sentant beaucoup trop mal pour affronter ses yeux remplis de larmes, il l'enlaça tendrement. Putain. Ce que ce contact pouvait être agréable. Sentir le corps frêle de la jeune fille entre ses bras. Et ce parfum... "Personne n'a le droit de te toucher, t'es mon trésor". Sur le coup, Jae Hyun, ne broncha pas, trop occupé à caresser avec douceur le dos de Soo Jin pour la calmer : il était tout simplement trop affecté par ses sentiments pour avoir conscience qu'il se montrait dix fois plus tendre qu'à la normale, déjà que c'était très rare qu'il le soit rien qu'un peu... "Calme-toi maintenant...", conclu t-il, glissant une de ses mains sur la nuque de la jeune file pour la lui caresser du bout des doigts.

C'est juste que quoi ? QUOI, BORDEL ? Pourquoi s'obstinait-elle à tout cacher tout le temps ? Quand on commence une phrase, on la finit. Sinon, autant ne pas ouvrir la bouche ; ça ne servait vraiment qu'à foutre la merde. Mais le pire, c'est qu'elle le savait : oh que oui, elle le savait. Qu'il détestait qu'on commence mais qu'on ne finisse pas. Qu'on tente puis qu'on baisse les bras. Pour faire court, ce qui était lié à de la lâcheté l'insupportait. Même venant de Jinnie. Surtout venant d'elle, même. Pourquoi être si faible ? Qu'elle ait peur, il comprenait. Mais qu'elle joue autant la victime et se braque, ça, il ne comprenait pas : ça le foutait à bout. Réactions enfantines et autres n'étaient vraiment pas pour lui, quand est-ce qu'elle se le mettrait dans le crâne ? Cela faisait plus de cinq ans qu'ils se connaissaient maintenant. Mais elle ne comprenait toujours pas. Quoi de plus exaspérant que d'expliquer des choses à une personne qui ne comprend pas ou qui, justement, ne veut pas comprendre ? Jae Hyun ne demandait qu'à la protéger, qu'à en savoir plus. Mais elle se renfermait sur elle-même, allant même jusqu'à changer de sujet. Oh mais oui, n'aie pas d'inquiétude : il allait la finir cette potion. Et ce, plus vite que n'importe quelle autre. Il battrait le record, tout simplement. Parce qu'il n'en pouvait plus : c'était trop pour lui d'écouter Soojin se plaindre puis se taire. Peut-être qu'elle avait ses raisons, mais pour Jae Hyun c'était clair : celles-ci ne tenaient pas la route. Pas quand il se pensait être très proche d'elle. Assez pour savoir chaque détail la concernant. Elle s'attendait vraiment à ce qu'il abandonne comme elle à chaque fois ? Qu'il se taise et continue son occupation ? Puisque c'est ce qu'elle voulait, d'accord. Il ne dirait mot, essayerait de ne pas se faire sensible à cause des reniflements de la demoiselle et ferait cette potion.

Maniant les différentes fioles, jetant quelques sorts silencieux par-ci par-là, il mit bien une demi-heure à la créer. Par chance, ce n'était pas un antidote qui mettait des heures ou des jours à être prêt. Encore heureux, parce que la supporter un peu plus reviendrait à dire au revoir à une partie de son esprit : il deviendrait timbré, oui, exactement. Il fallait qu'il souffle, qu'il aille dehors et qu'il s'isole un peu avec une bonne clope. Qu'il réfléchisse à tout ça sans l'avoir sur le dos pour briser chaque effort : parce que, même une fois qu'elle avait enfin osé dire quelque chose, il fallait qu'elle refasse une connerie. Qu'elle change de sujet, par exemple, ou qu'elle ne termine pas sa phrase. En fait, elle était pire qu'une petite amie : il devait, du moins voulait, la protéger. Il était très attaché à elle. Mais elle ne faisait que lui prendre la tête et la lui secouer dans tous les sens. Elle le plongeait dans un état de confusion totale qui le rendait agressif. Alors fallait qu'il s'écarte un peu d'elle et qu'il respire de l'air frais, dehors. Oui, ça serait nickel ça. C'était d'ailleurs pour cette raison qu'il avait déjà fini, ayant concentré tous ses efforts sur la préparation. Poussant un soupir de soulagement, il leva la fiole contenant un liquide rouge à la hauteur de son visage pour en évaluer la transparence : "Bon, ça me semble parfait ça", lança t-il, cachant la colère qu'il ressentait. Oui, parce qu'il lui en voulait même si cela ne se voyait pas. Pas du fait qu'elle se faisait victimiser, non, mais du fait qu'elle commençait toujours quelque chose pour ne jamais le finir et qu'elle jouait constamment avec ses nerfs alors qu'elle était censée le connaître au bout de 5 ans. Il prit la main de Jinnie, sans même la lui demander, versant un peu de la potion sur son doigt blessé : "Plus qu'à compter jusqu'à dix et tu seras libre", parce que de toute évidence, elle était aussi prisonnière que lui. De son côté, elle devait en avoir marre d'être interrogée et était sûrement honteuse d'avoir pleuré devant lui. Ce qu'il fallait, pour faire court, c'est qu'ils prennent tous les deux leurs distances : afin que, elle, comprenne qu'il détestait son comportement actuel et que, lui, se mette en tête qu'elle ne changerait jamais.

Mais vous savez, c'est typiquement le genre de filles qui vous cachent ses problèmes pour vous défendre. Alors qu'elles ont mal. Et ça, c'est vraiment quelque chose de révulsant. Pourquoi ? Jae Hyun ne pourrait pas vous expliquer, mais ça le repoussait, un point c'est tout. C'était presque pire que les filles jalouses et possessives. D'ailleurs, quelque chose reliait ce deux genres de filles : le manque de confiance. Expirant un bon coup, l'ineo fit une vingtaine de pas en arrière. Parfait. Ils n'étaient plus collés. Esquissant un sourire apaisé, songeant déjà au calme auquel il aurait le droit une fois près du lac, il lança à la demoiselle "Bon. Maintenant que c'est fait, je m'en vais. Faut vraiment que je bouge d'ici"; à peine eut-il les talons tournés qu'il ajouta "Ah, et ne me suis pas. Je veux vraiment être seul". Il la connaissait trop bien pour savoir qu'elle ne le laisserait pas partir aussi facilement. Mais sérieusement, mieux ne valait pas qu'elle insiste, il n'était plus dans son état normal depuis trois heures et pouvait craquer de nouveau à n'importe quel moment. Là, se sentant plus ou moins tranquille du fait qu'il partait, ça allait. Mais nul doute que si elle essayait de le retenir, sa colère se débloquerait et il élèverait le ton. Mieux ne valait pas, hein.